J’appris que l’errance est une tension nécessaire à la construction de l’individu.
Sébastien Jallade, L’appel de la route, p. 25
Son
Version enregistrée le 05 mars 2015, avec le final aux textes lus (final raté, d’ailleurs : il fallait une jungle dense et touffue de récits et de poèmes sur le voyage, il n’y a là qu’une bouillie…).
Guitare enregistrée le 28 avril 2014 et la voix le 24 février 2015.
Texte
1
Partir
Tout laisser pour tout avoir à reconquérir
Abandonner
Derrière soi un univers sans même se retourner
Je me fiche de laisser une trace sur Terre C’est l’empreinte que le monde a laissé en moi que je veux garder Conserve ta vie, ta ville, tes amis, tes manies, tes repères Moi je veux être pénétré par mille odeurs, tout regarder1
Éprouver la fragilité pour devenir plus fort Se mettre en danger pour revenir invincible Flotter en suspens, s’en remettre au sort Se laisser surprendre par des émotions indicibles
2
Partir
Tout donner pour tout avoir à reconstruire
Quitter
Parcourir la Terre à la recherche (enfin) de qui l’on est
Quand il ne restera de moi que des os Que résonne encore ma voix qui chante la joie de vivre Et qu’elle se mêle à tous ces peuples buvant les mêmes eaux Qui deviennent alcools et danses, desséchés dans les livres
Qu’on se perde dans l’immensité, un point dans l’espace Infime lumière d’une voie lactée, comète sans direction Qu’on s’enivre de nouveaux refrains, et que toujours on y fasse place A l’envie de tracer le chemin, arc toujours en tension
3
Partir
A l’appel de la route, sans jamais trop s’appesantir
Voyager
Dédaigner les victoires, ne vivre que pour lutter
Je suis arrivé nu et pleurant Je partirai riant, et habillé de l’univers Je veux rester longtemps aussi léger que le vent Toutes voiles lâchées, sans cesse allant vers (/ à l'envers)…
Vers où l’extrasymptote étreint enfin l’abscisse Où elles fricotent dans les bouts de l’infini Courbes filantes flirtant et qui nous convient au vice Quand nous voilà filoutant pour voir leurs ébats honnis
Note
- Pas fan de ce ver… ↩︎
Construction
1, 2, 3, outro.
(Intensité crescendo)
Instruments
- Voix
- Guitare
- Contrebasse (lourde sur le final)
- Batterie (légère, presque jazz)
Sur scène
Outro enregistrée grâce à une pédale de boucle. Pendant que la guitare joue en boucle, le chanteur, qui récite lui-même un extrait de roman qu’il aura appris par cœur, va distribuer des textes au public. Chaque personne en recevant un, doit commencer à le lire, debout, à voix haute, dès qu’il l’a en main. Le chanteur retourne au micro et lit un texte, puis peu à peu les musiciens s’arrêtent de jouer et s’en vont les uns après les autres laissant la scène vide avec la guitare enregistrée qui continue de tourner en boucle.
Au bout d’un moment le public, une fois qu’il a terminé de lire ses textes et qu’il commence à se regarder dans les yeux, incrédule ou impatient, doit comprendre que c’était la dernière chanson et que c’est fini. Partir, c’était pourtant prévisible, non ?
Idées de textes à (faire) lire à la fin
- Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes, l’arrivée au domaine étrange ?
- Apollinaire, Guillaume, Alcools, « Le voyageur », p. 52
- Apollinaire, Guillaume, Il y a, « Elégie du voyageur aux pieds blessés », p. 42, dans Poèmes à Lou
- Apollinaire, Guillaume, Poèmes à Lou, LXXI. « Pressentiment d’Amérique », p. 227
- Baudelaire, Charles, Les fleurs du mal, CXXVI. Le voyage
- Casanova, Giacomo, Histoire de ma vie, (il y aura bien un passage où il arrive quelque part)
- (C., V., Iran ?)
- Char, René, Le poème pulvérisé, « Seuil », dans Fureur et Mystère, p. 181
- Chateaubriand, François-René de, Mémoires d’outre-tombe, (idem Casanova)
- Constant, Benjamin, Adolphe, (L’arrivée en Pologne avec Ellénore ?)
- Jallade, Sébastien, L’appel de la route
- Kerouac, Jack, Sur la route,
- Saint-Exupéry, Antoine de, Terre des hommes, incipit
- Supervielle, Jules, Le forçat innocent, « Les Amériques »
- Tardieu, Jean, Le fleuve caché, « Le carrefour », p. 40
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, CXXVI. Le voyage
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !
Photo : “Event Horizon” de Infernal master of damned noms.