Des frontières (floues) des choses

L’eau elle-même, (…) je ne peux pas dire qu’elle soit dans l’espace : elle n’est pas ailleurs, mais elle n’est pas dans la piscine. Elle l’habite, elle s’y matérialise, elle n’y est pas contenue, et si je lève les yeux vers l’écran des cyprès où joue le réseau des reflets, je ne puis contester que l’eau le visite aussi, ou du moins y envoie son essence active et vivante.

Merleau-Ponty, L’Œil et l’esprit, Gallimard, coll. Folio, pp. 70-71

L’amour physique commence aux premiers regards d’une nature nouvelle qu’on s’échange, (à quel moment ça bascule, à partir de quel geste se comprend-on ?), le corps sentant qu’il est déjà déshabillé doucement à distance par la caresse préliminaire d’une pupille désireuse.

De même, le voyage commence chez soi, au moment où on commence à regarder la carte et où on s’imagine évoluant dans le territoire dont elle n’est que le plat signifiant. Il continue au moment d’aller requérir un stupide visa, les formulaires à remplir, les guides qu’on consulte, la conversion d’une monnaie dans une autre, et puis la langue…

György Ligeti – Requiem

Photo : “Airplane Twilight” de Russ Allison Loar.