Nous avons passé un superbe moment avec de la compagnie En Lacets, pilotée par Maud Marquet. Celle-ci, qui n’est plus sur la scène mais en coulisse à bichonner le public pour qu’il soit dans les meilleurs conditions possibles, nous a offert un spectacle drôle et beau, mélangeant avec une osmose parfaite la danse, le mime, le cirque, le chant, les moments burlesques, de l’absurde profond et de la légèreté émouvante et tout en couleurs.
Bizarrement, la bande-annonce, celle qu’on pouvait voir sur le site de la salle Europe de Colmar, était en-dessous de ce qui nous attendait. C’était ça, là, comme là au-dessus, mais en mieux…
On commence d’abord dans une sorte de hangar de site de livraisons de produits, genre d’une entreprise qu’on ne citera pas mais qui n’aime pas la zone. Les danseurs, quatre, deux femmes et deux hommes, aux corps presque comme nous, c’est-à-dire normaux sans la petite couche de gras de consommateurs qui ne connaissant pas la faim mais pas athlétiques non plus, sont des individus universels qui, tout en parlant un yoghourt international italianisant, deviennent des machines dès qu’ils rentrent dans la surface de performance (ou dans l’aire de production). Ils livrent des boites de bois sur la scène, qui deviendront des carrés de couleurs par la suite, eux-mêmes des poissons, des travailleurs en usine pour un grand moment de rire chaplinesque, des portes marques de produits de supermarché, des animaux marins et marrants, des amoureux, des quidams, il y a tellement de tableaux différents qu’on en perd le fil, qu’on est emporté, qu’on ne sait pas où ça va et comme ça ne va nulle part on s’en fout. Ces quatre n’importe qui s’illuminent dès qu’ils sont sur scène, les lumières sont magnifiques, le décor bouge, roule, éclabousse de cubes, s’ouvre se ferme, déborde, on régresse un peu au statut d’enfants qui nous amusons devant le monde bigarré des adultes…
Ça pourrait être triste, ça ne l’est jamais. On pourrait frôler la morale, même pas : on rit et ça suffit. Ça n’est pas politique, ça n’est pas fataliste, au contraire, on dirait parfois que des sirènes pourraient apparaître au rayon surgelés, on pourrait même peut-être s’aimer autour d’une solde ou à la fin d’une chaine d’usine, dans un caddie idyllique.
Malheureusement, en ce samedi 1er avril 2023 où nous avons vu le spectacle, la suite, Avolonté, avait dû être annulée pour cause de maladie. Un poisson avarié, sans doute. Mais c’eût été intéressant d’enchaîner : on reviendra un autre jour pour cette magie en kit, on coupera au montage de notre envie, rien ne pourra nous voler l’émotion ressentie au tout début, on reste sur notre faim, on a encore envie, on est encore vivant et avides beauté réaliste ou magique ou d’un réalisme magique réinventé, bref on est vivants et plus que vivants quand on nous rallume.
Je parle ici au nom des deux personnes que formaient notre groupe, mais aussi du jeune binôme et sans doute futur couple plein d’hormones qui était derrière nous, du petit éclat dans les yeux des spectateurs au rallumage des lumières de la scène à l’extinction de celles de la scène, aux applaudissements de la salle trop peu pleine : c’était franchement chouette !

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