Je déclare que je me fous du déclin de l’Occident Je n’ai jamais pu blairer les States, tous ces bâtards d’Européens Là-bas les Indiens étaient les gentils et les colons les méchants Mais Hollywood transforme le bon en plomb et fait de l’or avec des vauriens
Je crois que la France est à elle seule bien plus forte que tous les Français Que ma génération devra tout détruire pour ne laisser plus (rien) que des ruines Que ceux qui viennent après nous sauront bien tout recommencer Le soleil du Royaume brillera de nouveau après un long moment de bruine
Je refuse d’avoir peur, de prostituer mes strophes comme les sophistes A mon âge j’ai déjà échappé dix fois à la fin du monde auparavant Que je me torche le cul le matin avec les journaux catastrophistes Au milieu de tout ce marasme, après tout, je me déclare : vivant.
Maîtres donnez-nous des notes car lorsque vous nous mettez en prison Quand à coup de sourire et de bienveillance vous nous menez gentiment sur l’échafaud Les derniers choses qu’il nous reste ce sont les airs de quelques chansons Avant de se faire couper les cordes vocales et d’être aphones, c’est juste un dernier couplet qu’il nous faut
Depuis que j’ai compris la foi mes disques sont gravés dans les cieux Qu’importe que les Hommes ne les connaissent pas, ils n’ont pas d’oreilles pour les entendre Ils résonneront bien après que ma peau soit pourrie et que j’aie fermé les yeux On lance une grande partition dans le temps que des anges dans le ciel sont en train d’épandre
Je refuse d’être découragé, de craindre le petit régime du moment De plier l’échine devant le pouvoir et ses chiens de garde salivant Tant qu’on se lève pour prendre des coups, on forge la victoire patiemment Chaque matin où j’ai envie d’aller me battre je me déclare : vivant.
Je sais que le beau repousse toujours même sous la bêtise bourgeoise Que l’humanité n’est même pas fichue d’être assez forte pour se détruire Tout nous dépasse, nous sommes si peu et la nature paye l’ardoise Tout le monde courtise l’apocalypse mais de siècle en siècle, elle ne fait que nous éconduire
Où sont passés le Sahel, le trou de la couche d’ozone ou encore le Sida ? Les bols de riz qui devaient me faire culpabiliser durant toute ma jeunesse En 2001 j’avais déjà détruit ma télé et je n’ai pas cru longtemps à la faute d’al-Qaïda Je leur demande du respect et qu’ils nous mentent dorénavant avec un peu plus de finesse
Je refuse de me faire prêcheur, fonctionnaire et parmi les pires : prof D’être de ceux qui baissent les yeux pour s’en sortir dans un jeu de dupe navrant Ramassis de lâches qui malgré leurs diplômes ne sont rien plus que des beaufs Ils nous ont cassé les couilles avec la Seconde Guerre et leur « plus jamais ça » Mais pour la Palestine, l’Amérique du Sud la Yougoslavie, l'Afghanistan, l’Irak, (et bientôt l’Iran?) le Soudan, le Yémen (allons vite, quasiment tout le Moyen-Orient), le Donbass (j’en oublie et j’en passe…) … allons jusqu’à Gaza Ça fait 80 ans que pas un n’ose mettre un bémol Ils savent juste lire les directives et chanter la doxa Comme quoi les couilles on les a pleines au point de se les battre, quand eux en sont de bien molles Chaque fois que je les vois honteux et soumis je me déclare : vivant.
L’art est peut-être enfin mort – qui sait ?, si on a déjà tout fait S’il restait un petit souffle, un ministère a donné des gros sous et l’a étouffé A moins que l’art aujourd’hui ne consiste plus qu’à poser des bombes On verra bien si le cadavre bouge un tout peu quand on explose sa tombe
A chaque fois que son encéphalogramme est plat on découvre un sommet C’est juste qu’il sommeillait, qu’il faut être à genoux pour apercevoir le génie La création n’a pas d’agenda mais elle n’est jamais meilleure que lorsqu’elle est en joue est sommée Pendant que les ânes remplissent des subventions, voilà une belle âme qui se fait cheval et qui hennit
Je refuse de prendre la pose, de faire l’acteur dans le cinéma du cynisme De glorifier la nouveauté ou de dire que c’était bien mieux avant D’être blasé ou béni-oui-oui à la mode du dernier dandysme Un nouveau son, un vieux rythme qui me tabasse et je me déclare : vivant.
Je déclare à la douane tous mes phrases de contrebande Même celles qui ne servent à pas grand-monde dans les pays non-francophones Car j’ai pleuré sur des langues étrangères même sans comprendre lorsque les sons sonnent Tu vois vite qui est le héros quand tous meurent, puisque seuls les vrais entrent dans la légende1
J’ai assez de mots pour vous en fourrer comme du lisier plein les oreilles Taxez, taxez, bandes de parasites j’ai des dictionnaires entiers à vous carrer dans le crâne Piquez-nous tout ce que nous avons, pour nous contrôler numérisez même l’oseille Je ferai de la flûte avec tous vos trous, même l’« anus dilaté comme jamais »2 vous marcherez avec une canne
Je refuse de me taire ou de vous plaire à pleurer aux minutes de silence J’emmerde les amendes, les prunes, votre verger maudit et éprouvant Avec d’autres je serai la voix de la vérité et le défenseur de la vraie science Au milieu de tous ceux qui sont debout et fiers, je me déclare : VIVANT !
Photo d’entête : “Berlin, wir Kommen” par celynek