Et Camille Hardouin est repartie bien loin

Elle salue comme une princesse en pinçant, au niveau de son bassin, sa salopette bleu-prolétaire — on dira que ce fut notre princétaire ou notre prolesse — elle aura en tout cas réussi la prouesse, cette drôlesse, de nous faire chavirer le temps d’un concert.

Elle, c’est Camille Hardouin. Vous la connaissez peut-être encore sous son ancien nom : La demoiselle inconnue. N’attendez pas qu’elle en change encore pour la découvrir, si vous ne la connaissez ni de nom ni de son ni en rêve ni d’Adam ni de rien ! Car elle gagnerait à ne plus l’être : ni demoiselle ni inconnue ! Camille Hardouin, donc, avec un ‘h’ comme dans ‘hop dépêchez-vous d’aller écouter ses chansons’ !

Ce soir-là, elle vient de nous parler, guitare à la main, de ses nuits, seules, fautivement accompagnées, sur les toits de Paris à veiller sur des troupeaux de chagrins, où l’amour se sort des sables mouvants, d’« absences qui se confondent et se touchent », pieds nus, des marins qu’elle séquestre, un peu dans la brume d’une angine et des vies qu’elle colorie sur scène et ailleurs. Elle nous a fait grimacer, nous a soutiré des larmes1, a transformé une pauvre Barbie innocente en Britney “médiator” Spears lubrique pour une reprise tout en douceur de “Baby one more time”2, a lutté contre son angine et la bulle de distance que la maladie créé en de telle situation, et y a réussi parfaitement.

Je connaissais une chanson seulement avant de venir l’écouter, tout d’abord. Puis je suis allé glaner tout ce que je pouvais sur Youtube, de fil en aiguille, piqué autant par la curiosité que par la délicatesse de ses mots, sa voix que j’aime beaucoup, avant d’avoir la chance de l’applaudir. Du coup, comme je connaissais les titres d’une sixain de chansons, je compris vite que le tatouage qu’elle avait sur le bras gauche était la playlist du concert. La voilà :

Ce n’est pas tous les jours qu’on peut prendre ainsi en photo une playlist ! Si j’avais été meilleur photographe, j’aurais cadré de manière à ce qu’on voie aussi le visage de cette gentille dame de l’association qui organisait le concert et qui s’est jointe à notre conversation. Oui, parce qu’une fois n’est pas coutume, pour pouvoir prendre cette photo, c’est que je suis resté à la fin du concert pour lui demander de me dédicacer l’EP que je venais de lui prendre.3

Je lui rappelle alors, avec une fierté affichée, cette autre playlist que j’avais finalement pu récupérer à Saint-Malo, pour la donner à ce petit faneton venu avec ses parents au show d’Archive, et de ce moment où je me suis senti être le Père Noël pour quelques secondes.4 Puis je prends son bras, enfin je ne l’emporterais pas avec moi – je ne suis pas un zombie guy, je n’arrache pas les bras des gens5 – juste en photo pour que cette image scelle le souvenir de sa venue.

Ce soir-là encore, je n’ai pas le temps de lui dire que la version de “Si demain” sur l’EP, avec l’accordéon et la contrebasse, est vraiment très belle, puisqu’au moment où je lui parle elle vient juste de me faire un dessin sur l’intérieur de la pochette du CD, et ce n’est que plus tard dans la nuit, au retour d’une balade dans les rues vides de la belle petite ville, que je peux faire ce constat.

Un jour j’espère que nous serons capables de plier le temps, Einstein doit bien avoir des tiroirs cachés dans sa théorie de la relativité générale où, en soufflant sur des ondes gravitationnelles, on peut dire aux chanteuses tout le bien qu’on pense de leur enregistrement au moment-même où ils nous arrivent dans les mains ! En attendant, je me promets alors, pour me faire pardonner, de nous  écrire une chanson en duo qui s’intitulerait “Et à d’autres d’être adultes”, de cette phrase que j’ai écrite récemment à une femme qui doit être en train ou en avion de me maudire6. Cette chanson serait composée de vers de 7 pieds, impair fait à dessein pour qu’il en reste toujours un en l’air à danser un cancan ou à botter un cucul, qui ne devrait ressembler ni à ses “Pirates”, ni à la cigale de mon “dansez maintenant”, ni au “Ne me laisse pas seul” de Soan7, tout en reprenant l’esprit de ses trois chansons, trialectique rieuse …mais à venir. Ça viendra, un soir, comme ça, lorsqu’on vomit des mots à la faveur d’une quinte d’inspiration, sans prévenir, comme on accouche une idée qu’on a mûri dans ses entrailles un certain temps, bref, ça sortira un jour, et avec la même joie que nous avons eux à recevoir sa musique en nous !

Et comme, après tout, on peut un peu tirer déjà sur le temps en trichant avec un rien de mauvaise foi, les voici ces “pirates”. Fermons les yeux et imaginons que nous sommes un 5 février 2016 et qu’elle est là, à jouer devant nous :

Merci, Camille ! Tu es partie bien loin, mais il nous reste tes chansons et nous t’avons, de la sorte, toujours un peu avec nous !

Notes

  1. Notamment sur “Les pirates” qui me rappellent cette bêtise que je n’ai pas osé faire à 17 ans, qui aurait transformé London en grand manège et ce policier attendri que j’ai été plus tard, qui me demande ce que sont devenus quelques crétins attachants que j’ai dû gourmander sans y croire jusqu’au bout, parfois, par souci du rôle que je devais jouer et qui n’était pas si mauvais, après tout, s’il a pu leur donner un peu de structure dans le grand chaos de toute leur vie devant eux. ↩︎
  2. Jalouse, la Camille, jalouuuuse !, leave Britney alone ! ↩︎
  3. Elle ne m’en a pas voulu, rassurez-vous ! ↩︎
  4. S’en souvenir les soirs où je ne serai plus qu’un salaud… ↩︎
  5. Je n’aime pas cette chanson, d’ailleurs, et ne suis pas très convaincu lorsqu’elle chante en anglais, de manière générale, mais je n’ai pas osé lui avouer… par lâcheté, celle-ci ayant acculé mon courage dans les notes de bas de page ou par politesse ? ↩︎
  6. Vous voyez que je devais finir par ne pas être un type très bien… ↩︎
  7. « Il faudra bien que ça nous mène à rien », chanson et clip très réussis ! ↩︎

Photo d’entête : “Entre dos luces :: Between two lights :: Entre deux lumières ::: 20150426 0249” par Oiluj Samall Zeid


Commentaires

Une réponse à “Et Camille Hardouin est repartie bien loin”

  1. […] Demoiselle inconnue / Camille Hardouin, « Les […]

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