All (à la lisière) de Marie Cambois

J’ai vu All (à la lisière) de Marie Cambois, ce soir à Colmar, à la salle Europe.

On ne peut pas dire que c’est très mal mais non plus que c’est très bien.

Je n’ai pas lu ses intentions, sa « démarche artistique » et tout ce pipeau d’artiste pour administrations qui donnent des subventions, dont je n’ai pas besoin puisque je n’ai de sous à donner que ceux de ma place achetée ; ou du moins si j’ai besoin de mode d’emploi, c’est raté ce n’est plus que de la masturbartion intellectuelle ; je suis un spectateur, je me pose, je vois et j’éprouve.

En fait, j’ai aimé le fait de mêler théâtre, musique et danse, mais au lieu de réussir à faire une osmose entre les trois, on a ici rajouté le tournage d’une pièce de cinéma, prétexte à faire se rencontrer les trois femmes (deux danseuses et une actrice), et du coup on a un peu de théâtre mais pas vraiment, un peu de musique mais trop peu et puis un soupçon de danse avec un prétexte dispensable, n’importe quelle situation permettait de faire se rencontrer les protagonistes principales… Parce qu’il y a aussi deux hommes : un qui fait de la musique et sert plutôt bien même s’il est discret et l’autre qui semble être le chauffeur employé pendant la pièce pour qu’il ne s’ennuie pas et dont le rôle est cosmétique.

Les trois femmes sont différentes. L’actrice a une vingtaine d’années elle est grande et sans aucune forme mais un très joli visage ; la deuxième, la trentaine et un corps plus féminin, plus trapu, une frange étrange et incarne une femme plus mature, d’ailleurs enceinte ; la troisième a une quarantaine d’année, ce que sa peau ne peut cacher (ou le maquillage est efficace) mais c’est elle qui danse le plus. La jeune est serveuse dans une gare et rêve d’être actrice, la moyenne est une danseuse au sommet de sa gloire et la vieille1 est dans la longue traine de son art. La jeune débite les âneries de son âge, que le monde est fichu, qu’il n’y a pas de futur pour sa génération, mais enfin elle s’est battue pour vivre dansle ventre de sa mère, elle croit en ses rêves2 ; la trentenaire a un mot féministe3 ; la plus âgée fait un peu la leçon à la plus jeune, l’encourage à ne jamais écouter les autres lui dire qu’elle n’est pas assez ou trop4. La rencontre eût été intéressante et riche si elle avait pu être exploitée : mais ce n’est pas du théâtre ni du cinéma5

A un moment elles dansent au ralenti sur une musique qui eût pu être sympa si le thème avait un sens, peut-être une contrebasse, une batterie et une raison. Mais ce n’est pas un concert dansée…

A un moment elles font quelques pas de Nijinski parce que la scénariste a dû se dire qu’il fallait de la danse si déjà on a deux danseuses aguerries et hop, petit tiroir sur le sacrifice d’une jeune vierge dans une Russie originelle fantasmée…6
Noir.
On referme le tiroir.

A un moment, la jeune parle de son rôle préféré qui colle à son goût pour la tragédie, et nous avons droit à l’ouverture d’un tiroir de cinq minutes très belles, la jeune-fille devenant tigre, entendant sa voix déformée par le musicien qui bidouille, c’est poignant, prenant, on eût aimé voir toute la pièce antique dans cette trempe-là, rageuse, brillante et angoissante puis elle s’arrête, se rit de l’art de jouer la tragédie, est-ce qu’on en fait trop, est-ce qu’on passe à côté de l’émotion en évitant l’outrance, l’instant est perdu, il retourne dans un tout qui n’a pas d’unité, un simili début d’ailleurs précédé d’explications données par les trois femmes elles-mêmes, le méta-discours faisant partie du spectacle lui-même, à notre arrivée les acteurs sont là sur scène en train de se préparer, ça fait partie du spectacle (Ariane Mnouchkine faisait ça à Paris quand j’étais lycéen et ça dû être fait mille fois), on ne peut pas dire qu’il n’ait pas de queue ni de tête, il y a une gare deux femmes qui entrent dans un bar et se reconnaissent où une jeune les sert et boit un verre avec eux, elles se séparent, ça a eut lieu c’est fini, mais bon, c’est décousu, c’est chiant les œuvres à tiroirs ou comme des guirlandes tenues par un fil tiré par les cheveux, plein de temps morts comme lorsqu’on tourne un film de cinéma (qui ne sert donc qu’à ralentir le théâtre, la danse et la musique, ce con, même dans le spectacle vivant où on vient pour ne pas le voir) (qui lui va avoir une nouvelle action toutes les minute neuf maximum puisque tout y est faux et que ce n’est qu’une machine à vendre de l’émotion sans beaucoup de possibilité de réfléchir au moins depuis la fin des années 1990, sauf dans le cinéma français ou pour éviter ce travers ils ont souvent interdit l’émotion, c’est un peu cliché pas totalement faux, bref.) … Bref. Ça dure une heure, c’est beaucoup trop court, ça n’a pas vraiment commencé.

Oui, c’est déjà fini et on a l’impression d’avoir mangé le plat principal avant l’arrivée de la sauce, alors le jus de viande avec les yoghourts, bof, un truc ne s’est pas déclenché bien que les gens sur scène soient irréprochables, la mise en scène théâtrale vraiment bonne (à l’acteur qui aide sur le plateau et ne sert donc presque à rien près), un truc dans le collage de tout ça, un liant, une impression qu’on a mal cuisiné des ingrédients pourtant bons, d’avoir vu un rodage avec plein de moments à revoir, éliminer des passages, faire des choix dans un sens ou un autre, peut-être se concentrer sur trois arts et les faire bien et à fond…

A la sortie, je voulais écouter la soupe de clichés que débitait la prof d’une classe de lycéens venue à la séance, mais on n’était pas assez pour que je puisse le faire discrètement, et je ne voulais pas intervenir, j’ai entendu « liberté » à un moment, je n’ai pas eu envie de m’énerver ou d’avoir envie de lui dire que des gens qui se sont laissés enfermer pour rien, piquer par manipulation ou corruption (et en mourront probablement), qui n’ont pas bronché face à la ségrégation pseudo-sanitaire, qui ont eu peur de Macron-Castex-Véran feraient mieux de raser les murs et de boucler leur bouche de cancres lâches ou devraient avoir envie de vomir dès qu’ils veulent évoquer un mot dont ils sont indignes, alors je suis parti en catimini, après un haussement d’épaules. Mais tout cela valait mieux.

Car voilà, je suis resté à l’orée de tout cela, (je veux pas dénoncer les camarades du public, mais je n’étais pas tout seul) et j’avais une folle envie de siroter franchement à fond un alcool fort avec ces femmes sur la moleskine du bar ou prendre un train improbable avec l’une ou l’autre qui nous aurait emmené on ne sait où dans quelque chose de fort, et nous n’avons été que rapprochés par un passage entre deux trains.

(Bon, ceux-là, roulaient, tout à l’heure, en ce jeudi 19 janvier 2023, jour d’anniversaire d’Úrsula, ils sont en grève – que je soutiens –, c’est déjà ça…)

Mais frustrant malgré tout. (Liberté, des adultes qui ont muselé des gamins et leur ont fait du chantage à la mort de leurs grands-parents s’ils ne prenaient pas des produits expérimentaux dont on ne sait rien et obtenus via des contrats secrets qui suintent de corruption de tous les côtés, se faisant les relais des propagandes pour débiles mentaux qu’on n’aurait pas osé en URSS, et de la gesticulation républicaine grotesque, est-ce que foutre des torgnoles à ce ramassis de crétins diplômés serait de la danse ? Y’a un thème à approfondir.)

Notes

  1. Quarante-six ans (dans la pièce/le film), vieille… ↩︎
  2. C’est bien. ↩︎
  3. C’est très bien. ↩︎
  4. Elle a parfaitement raison, et en plus contrairement à Instragram, quand elle fait du Nietzsche à la sauvette, elle ne sent pas obligée de montrer ses fesses : ça fait du bien de la philosophie sans boobs en 2023. ↩︎
  5. Et si c’est du cinéma façon Lynch, comme j’ai triché en le lisant sur Internet, c’est raté. Lynch c’est de la photo en mouvement… Autant prendre une pile de clichés photographiques, les jeter par terre, voir dans quel ordre ils tombent et s’inventer une histoire avec ses éléments. Lynch c’est chiant (répète-le dix fois sans rigoler) (rigole pas c’est vrai.).) ↩︎
  6. Et puis c’est bien qu’on n’ait pas effacé Nijinski, Stravinski et Le sacre du printemps parce que c’est russe donc cacaboudin qu’il a dit l’OTAN, en Otanie d’Europe on écoute l’OTAN et on cacaboudinise la culture russe. C’est un détail, mais il m’a fait plaisir. ↩︎

Photo d’entête : photo prise à l’arrivée dans la salle, les cinq protagonistes parlant entre eux sur scène pendant que nous nous installons ; ensuite, je respecte je ne prends plus mon télephone…


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